Les trajectoires salariales des individus rémunérés au voisinage du Smic constituent une question centrale pour la dynamique salariale en général et pour le pilotage du salaire minimum en particulier. En effet, les implications d’une modération ou d’un coup de pouce au Smic ne sont pas les mêmes en fonction du devenir salarial des individus rémunérés au Smic.
Cette question a notamment fait l’objet en 2010 d’une étude sur 1995-2007 dans le cadre de travaux menés par le groupe d’experts sur le Smic qui fait chaque année une recommandation au gouvernement en matière de revalorisation du salaire minimum. Le travail présenté ici a été mené une nouvelle fois dans le cadre des travaux de ce groupe d’experts et vise à actualiser l’étude menée en 2010.
L’actualisation de cette étude sur une période plus récente (2005-2013) permet notamment d’évaluer dans quelle mesure les trajectoires des individus ont été impactées par la crise de 2008. Les trajectoires sont analysées sur le court terme (sur cinq trimestres) à partir des données de l’enquête Emploi en continu, et à moyen terme (sur cinq ans) à partir des déclarations annuelles de données sociales (DADS).
La crise semble avoir exposé un peu plus fortement les salariés au voisinage du Smic au risque de chômage ou d’inactivité dans leurs trajectoires de court terme relativement aux autres salariés. Ce constat est lié aux caractéristiques socio-démographiques et d’emploi de ces salariés (niveau de diplôme, type de contrat de travail, sexe). Par ailleurs, les progressions salariales à l’horizon de 15 mois ont été moins fréquentes lors de la crise pour les salariés dont la rémunération se situe au voisinage du Smic.
Envisagées sur un horizon plus long, les trajectoires salariales des individus ont été peu modifiées par la crise. Ainsi, parmi les salariés au voisinage du Smic en France en 2007, 2008 ou 2009, un peu plus de la moitié restent sans interruption en emploi salarié dans le secteur privé pendant les cinq années au cours desquelles ils sont suivis. Un peu plus de 60% de ces salariés stables dans l’emploi salarié privé évoluent vers un salaire supérieur sans aller-retour vers le voisinage du Smic. Ces proportions sont proches de celles qui étaient observées dans l’étude de 2010 pour les cohortes 1995 à 2007. Toutefois, deux tiers des salariés évoluant vers un salaire supérieur gardent un salaire inférieur à 1,3 fois le Smic à l’horizon de cinq ans.
La stabilité des trajectoires pendant la crise par rapport à celles observées pour les cohortes 1995 à 2007 peut résulter d’une conjugaison d’effets contradictoires liés à la grande récession. Elle pourrait en particulier s’expliquer par un double mouvement : le moindre dynamisme du salaire minimum au cours de la période 2007-2013 a pu favoriser des ascensions salariales au-delà du salaire minimum mais la dégradation de l’emploi et des salaires a pu au contraire freiner la progression des rémunérations.
Source : Dares
Publication : Document d’études, n°2018-219, juin 2018